Le genre a-t-il perdu de son potentiel critique ?

Gestion de l’héritage et usages transgressifs d’un concept en voie de normalisation

Appel à communications
Journée d’étude docteur.es, doctorant.es et jeunes chercheur.es organisé par la MSH Lyon St-Etienne dans le cadre de son axe scientifique Genre

 

Vendredi 12 juin 2020

à la MSH Lyon St-Etienne (espace Marc Bloch)

Dans son article « Fantasmes du millénaire : le futur du "genre" au XXIe siècle » (Clio, 2010), Joan Scott, dans un geste de retour réflexif, explicitait ses inquiétudes quant aux usages actuels du concept de genre. Plusieurs dangers guettaient, selon elle, un usage banalisé du genre. Le principal résidait dans la confusion entre genre et sexe : « malgré toute l’insistance des théoriciennes féministes à expliquer le terme genre, elles n’ont pas pu empêcher la corruption de son emploi. Dans la conversation ordinaire, on emploie autant les termes de sexe et de genre comme synonymes que comme contraires. Le genre est parfois devenu, semble-t-il, un euphémisme poli pour le sexe. Et si l’on en croit le nombre de livres et d’articles savants qui considèrent que le genre et les femmes sont des synonymes, les universitaires ne sont pas plus doués que le grand public pour faire la distinction entre le physique et le social, objectif initial du terme genre ». Le danger principal pointé par l’historienne n’était pas simplement un « mésusage » du concept mais plutôt la perte du potentiel critique qui le caractérisait jusqu’alors : dans la préface à une nouvelle édition de Gender and the Politics of History, elle déplorait ainsi que « le « genre » [ait] perdu sa capacité à nous étonner et à nous provoquer. » Le concept se serait normalisé et ferait « désormais partie de ‘‘l’usage ordinaire’’ ». Dernier danger identifiée par l’historienne : celui d’un retour en arrière, d’une forme de backlash qui conduirait au « scénario cauchemardesque dans lequel le déterminisme biologique revient pour contrôler le genre ».
Dix ans après, qu’en est-il ? Les usages savants et du mot, et du concept, en se multipliant, ont-ils effectivement émoussé le potentiel critique du genre ?

 

Alors que les études sur le genre se diffusent au-delà des cercles spécialisés et militants, la journée d’étude organisée par l’axe genre de la MSH Lyon St-Etienne se propose de faire un retour sur le commentaire réflexif de Joan Scott : comment la jeune recherche, les docteur.es et doctorant.es, s’emparent des acquis des études sur le genre, et quelles sont leurs stratégies pour conserver/affuter le tranchant critique de l’outillage hérité de ce domaine en voie d’institutionnalisation ?

 

Les propositions de communication pourront s’inscrire, sans exclusive, dans l’un des axes suivants :

  • Si une ambition affichée des études féministes, puis des études sur le genre a toujours été de revisiter les « objets canoniques » des disciplines, qu’en est-il encore aujourd’hui ? Les effets du genre produisent-ils encore de nouveaux observables ? Nous invitons ici les chercheur.es qui utilisent à titre principal ou secondaire le genre dans leur recherche, et en particulier dans leur recherche doctorale, à réfléchir à la portée critique du genre dans leur travaux. Il s’agira aussi, dans une perspective interdisciplinaire, de réfléchir collectivement à la place des études sur le genre dans les différents champs disciplinaires représentés à la MSH Lyon St-Etienne.
  • Les concepts connexes, tels que l’intersectionnalité, les études post-coloniales, les études sur le handicap, le queer (la liste est ouverte) sont-ils aujourd’hui des outils adaptés pour maintenir affuté le concept de genre, ou ont-ils des effets lénifiants ou émoussants sur les approches en termes de genre ? Faut-il aujourd’hui dépasser le genre pour mieux en préserver le potentiel critique ?

 

Pour cette première journée d’étude, nous cherchons à rassembler autour d’une thématique large des doctorant.es, docteur.es et jeunes chercheur.es provenant de champs disciplinaires différents et relevant d’un des laboratoires de la MSH Lyon St-Etienne.

 

Les propositions de communication (3000 signes) devront être envoyées à sandrine.leveque (a) univ-lyon2.fr et yannick.chevalier (a) univ-lyon2.fr avant le 27 mars 2020 (réponse du comité de sélection le 17 avril 2020).

 

Une table ronde consacrée au genre de la précarité dans l’enseignement supérieur clôturera la journée d’étude.

 

Comité d’organisation

Yannick Chevalier, Sandrine Lévêque, Aurélie Olivesi, Marianne Thivend

 

Comité scientifique

Christine Détrez, Rebecca Gomez Bettencourt, Stavroula Kefallonitis, Manuela Martini, Jean-Marie Roulin, Anne Verjus