Genre, féminités et masculinités dans le sport

Journée d’étude organisée par le laboratoire L-VIS et la MSH Lyon St-Etienne (axe thématique Genre).

Les études sur le genre constituent aujourd’hui un champ de recherche pluridisciplinaire qui interroge l’organisation binaire et hiérarchisée du monde social. Depuis les travaux fondateurs, les usages du genre n’ont cessé de s’enrichir, les terrains d’étude se sont diversifiés et les approches méthodologiques renouvelées. Inscrite dans cette dynamique, cette journée d’études propose d’investir un double questionnement, en se centrant sur le sport, à partir d’une variété de regards disciplinaires : histoire, sociologie, anthropologie, STAPS.

 

Le premier objectif est de penser les féminités au même titre que les masculinités. Jusqu’à présent, les recherches sur le genre dans le sport ont davantage porté sur les masculinités, notamment dans l’espace francophone. Cette journée souhaite ainsi faire le point sur les apports de ces travaux, tout en investissant des analyses théoriques et empiriques sur les féminités sportives. Le second objectif est de mettre à l’épreuve de la critique pluridisciplinaire le concept de régime de genre. Si des recherches articulent les féminités et les masculinités aux régimes de genre, il apparait heuristique de discuter les conditions dans lesquelles ce concept est mobilisé, d’explorer les résistances qui peuvent en freiner l’usage, ou de s’intéresser à des terminologies alternatives.

 

Pour mener à bien ce projet, la conférence inaugurale de l’historienne Michelle Zancarini-Fournel, « Définir un régime de genre » (Didier Lett) ou « Défaire le genre » (Judith Butler) ?, reviendra d’abord sur l’introduction du sport dans la recherche historique lyonnaise, à travers un bref historique des liens tissés par Pierre Arnaud avec les historiens de l’université Lyon 2, en particulier avec Yves Lequin. Elle s’arrêtera également sur l’introduction du genre dans l’histoire du sport, avec Thierry Terret, avant de développer l’usage historien de la notion de « régime de genre ». Celui-ci définit les grandes périodes et les moments dont les diverses sociétés appréhendent le genre selon leurs propres régimes d’historicité dans l’agencement des rapports sociaux de sexe, dans des contextes appréhendés avec des dossiers documentaires spécifiques, c’est-à-dire les traces écrites selon la définition de Didier Lett qui insiste sur l’usage du genre dans les relations sociales. Une approche pragmatique qui ne s’intéresse pas aux identités, mises en cause par Judith Butler dans Défaire le genre.

 

En se basant sur les travaux de la sociologue Raewyn Connell relatives aux configurations de genre et notamment sur leurs aspects dynamiques et relationnels, la communication de Mélie Fraysse, intitulée Féminités et masculinités. Repenser l’hégémonie, prolongera les réflexions théoriques, principalement en langue anglaise, sur les féminités et les masculinités hégémoniques. En prenant appui sur différents travaux empiriques dans le domaine du sport et des activités corporelles, il s’agira d’analyser comment les masculinités et les féminités peuvent être pensées comme hégémoniques non pas de façon séparée, mais bien dans le travail idéologique qu’elles opèrent pour légitimer et organiser ce que les hommes font réellement pour maintenir l’ordre de genre, mais aussi comment s’y articulent des formes de résistances et de coopération, validant en cela la multiplicité des masculinités et des féminités.

 

La conférence de l’anthropologue Niko Besnier déplacera la focale sur Les industries sportives à l’ère néolibérale et la reconfiguration des masculinités dans les pays du Sud. Depuis les années 1980, les industries sportives ont connu des transformations radicales. Désormais sous le pouvoir de la télévision privée, les sports destinés au grand public se sont transformés en entreprises capitalistes où règne une concurrence coupe-jarret. Dans ce contexte, des clubs et des équipes s’emploient à rechercher de nouveaux talents sportifs dans les pays du Sud, stimulant des espoirs de réussite économique parmi la jeunesse masculine et une transformation des masculinités : alors que celles-ci se conforment à l’image des attentes du néolibéralisme, elles dévoilent également des contours inattendus vis-à-vis de certaines formes de religion. Ces dynamiques, illustrées par les cas des footballeurs camerounais, des rugbymen fidjiens et des lutteurs sénégalais, démontrent que le néolibéralisme se globalise sur de multiples plans, si bien culturels et moraux qu’économiques, politiques et sociaux.

 

Alizée Dufraisse se centrera ensuite sur La mise en image numérique de soi des grimpeurs et grimpeuses professionnel·les face aux pratiques et aux injonctions corporelles en escalade. Elle analysera les négociations des pratiques sportives et alimentaires des grimpeurs et grimpeuses articulant, d’une part, les injonctions corporelles dans le milieu de l’escalade et, d’autre part, la représentation numérique de soi pour se créer une valeur par le digital labor dans un contexte de nouvelle économie du sponsoring. Il s’agira de montrer que les impératifs de travail numérique entrent parfois en contradiction avec les pratiques, croyances et injonctions en rapport au corps et à l’apparence corporelle dans le milieu de la grimpe. Ce faisant, ces impératifs tendent à accentuer le pouvoir des hommes sur les femmes au sein du groupe professionnel, illustrant le contrôle d’une masculinité hégémonique sur les corps, en particulier au travers du contrôle des corps féminins.

 

La journée d’études se poursuivra, en collaboration avec les Presses universitaires de Lyon, par la présentation d’un ouvrage récemment publié : Prendre de la hauteur. Escalade en salle et fabrique du genre à l’adolescence (septembre 2024), en présence de l’autrice Aurélia Mardon. Dans son enquête de terrain, la sociologue Aurélia Mardon révèle l’influence complexe que la pratique de l’escalade en salle, sport mixte et a priori moins genré que d’autres, peut avoir sur la fabrique du genre : dans quelles conditions une activité sportive pratiquée en situation de mixité peut-elle venir renforcer, transformer, voire produire de nouvelles manières sexuées de faire, penser et voir le monde ? C’est sur cette question que se clôturera la journée d’études, en s’intéressant à ce que l’escalade fait aux modèles de masculinités et de féminités des jeunes.

 

 

Programme

09h00 : Propos introductifs | Penser le genre, les féminités et les masculinités dans le sport - Marie-Carmen Garcia, professeure des universités en sociologie et Loïc Szerdahelyi, maître de conférences en STAPS (Univ. Lyon 1, Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport, L-VIS)
09h30 : Conférence inaugurale | "Définir un régime de genre » (Didier Lett) ou « Défaire le genre » (Judith Butler) ? - Michelle Zancarini-Fournel, professeure émérite (Univ. Lyon 1, Chaire histoire des femmes et du genre, Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes, LARHRA)
10h45 : Pause
11h00 : Communication | Féminités et masculinités. Repenser l’hégémonie - Mélie Fraysse, maîtresse de conférences en sociologie (Université Toulouse 3 Paul Sabatier, Centre de recherche sciences sociales sports et corps, CRESCO)
12h00 : Pause-déjeuner

 

14h00 : Conférence | Les industries sportives à l’ère néolibérale et la reconfiguration des masculinités dans les pays du Sud" - Niko Besnier, professeur honoraire d’anthropologie (La Trobe University, Melbourne)
15h15 : Communication | La mise en image numérique de soi des grimpeur·euses professionnel·les face aux pratiques et aux injonctions corporelles en escalade - Alizée Dufraisse, doctorante STAPS (Univ. Lyon 1, Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport, L-VIS)
16h15 : Pause
16h30 : Présentation d’ouvrage | Prendre de la hauteur. Escalade en salle et fabrique du genre à l’adolescence (Presses universitaires de Lyon, 2024) - Aurélia Mardon, maîtresse de conférences HDR en sociologie (Université de Lille, Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques, CLERSE)

 

 

Informations pratiques

Inscription gratuite mais obligatoire, jusqu'au 7 novembre 2024 >> formulaire en ligne

 

Contacts
Marie-Carmen Garcia (Univ. Lyon 1, L-VIS) | marie-carmen.garcia (t) univ-lyon1.fr
Loïc Szerdahelyi (Univ. Lyon 1, L-VIS) | loic.szerdahelyi (t) univ-lyon1.fr

À télécharger

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